Un son.
Coin... ou couin... juste un son qui vient de rebondir une dernière
fois sur la brute surface de l'eau.
Il n'a plus aucune énergie. Il n'ira
pas plus loin.
Il a parcouru du chemin depuis sa naissance. Tellement qu'il ne se rappelle
ni sa forme ni d'où il vient.
Plus qu'un son, il veut être autre chose. Un mot, un cri... il préférerait
un mot.
Il ne veut pas disparaître comme un cri. Le cri a une vie courte, dont
il ne reste rien à la fin. Explosif, impressionnant, mais décidément
trop éphémère.
On pourrait dire qu'il va plus loin, mais si vite que le voyage est déjà fini,
sans rien avoir vu ni retenu.
Coin... se raccrocher à des souvenirs pour ne pas avoir été qu’un
cri. Avoir été un son né pour laisser une trace.
Un mot créé pour désigner une chose solide, immuable,
qui sera l'écho éternel de son existence.
Un mot pour un sentiment, un de ceux qui voyagent de regard en regard, s'éteignent
presque pour s'enflammer de nouveau.
Un mot porteur d'odeur, de couleur, termes indéfinissables que l'on
cherche toujours à rendre plus précis,
pour y revenir et ainsi le faire renaître, et chercher de nouveau.
Un
mot qu'aiment utiliser les poètes, susurré au creux d'une
oreille, laissant une trace indélébile dans un esprit,
Un mot déclamé tournant à jamais dans l'imagination de
spectateurs,
Un de ces mots qui traversent les époques et les dictionnaires sans
dépérir.
Un mot qui après avoir perdu les ailes du son
trouverait l'écrin
du souvenir, la renaissance de l'écrit.
Il voudrait avoir été le
son d'un mot universel.
Couin...
Se raccrocher à des souvenirs pour toujours exister...
Mais il n'a pas de souvenir.
Aucune odeur ne se trouve dans le tracé de sa vie,
Aucun sentiment ne résonne à l'unisson avec lui.
Mise à part cette rencontre avec un autre son.
Un son porteur de sentiment, la peur,
Frère d'un mot éternel
Un de ces sons tellement forts, puissants, qu'ils peuvent mettre fin aux cris.
Bang !
La mort... et un Coin percutant une dernière fois la brute surface
de l'eau.